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Crowdfunding immobilier locatif : la nouvelle brique d’un secteur en pleine croissance

Crowdfunding immobilier locatif : la nouvelle brique d’un secteur en pleine croissance

2018 a été une année riche pour la finance participative : évolutions du cadre réglementaire en France et en Europe, records de volumes de fonds collectés, transition du marché, diversification des secteurs d’activités… autant d’actions qui ont permis d’asseoir le potentiel économique du crowdfunding et le considérer comme un marché désormais mature.

Article publié le 28 janvier 2019, mis à jour le 01 juillet 2019


Grande vedette 2018 de la finance participative, le crowdfunding immobilier enregistre un bilan très positif. Les fonds collectés s’élèvent à 185 millions d'euros, soit une hausse de 83% par rapport à 2017(1), une croissance exponentielle qui vient confirmer l’intérêt des français pour ce type d’investissement et la richesse du marché. Une tendance qui suit son cours au premier semestre 2019, le secteur comptabilise 154 opérations financées et 94 millions d’euros de fonds recoltés, soit 12% de plus que sur la même période en 2018.


La tendance est à la hausse, une dynamique qui devrait se maintenir avec l'ajout d'une nouvelle brique : le crowdfunding immobilier locatif.


Après une longue phase de négociation, l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a finalement accordé le droit aux plateformes de crowdfunding d’ouvrir leurs activités au marché du locatif. Cette nouvelle a été très bien perçue par tous les acteurs du secteur qui voient là un formidable potentiel de croissance pour l’immobilier. Le locatif est un marché estimé à 50 milliards d’euros en France, un secteur que la finance participative propose de démocratiser, si les pouvoirs publics lui en donnent pleinement l’opportunité.


Quelles sont les perspectives d’avenir pour le crowdfunding immobilier locatif ? Décryptage d’un marché en pleine croissance.



Le crowdfunding immobilier : nouvelle pierre angulaire du financement participatif


La pierre est un secteur d’investissement apprécié des français, considéré comme rentable et fiable dans la constitution de son patrimoine. L’immobilier a également l’avantage de la souplesse, une résidence principale peut devenir un bien locatif et inversement. Pourtant, c’est un domaine qui reste difficile d’accès, notamment avec les augmentations successives de l’apport de départ à justifier, mais aussi à cause de toutes les démarches administratives et règlementaires, de plus en plus contraignantes pour les propriétaires. Les promoteurs immobiliers subissent également l’inflation du marché, obtenir un financement bancaire est devenu complexe pour les porteurs de projets, contraints de faire état de fonds propres toujours plus élevés devant un système bancaire à la frilosité grandissante.


L’essor du numérique et des plateformes de financement participatif démocratise le secteur et offre de nouvelles perspectives, autant pour les financeurs que les porteurs de projets. Développées dès 2010 aux Etats-Unis, les premières plateformes de crowdfunding immobilier vont voir le jour en France à partir de 2012. Le secteur ne bénéficie alors que d’un faible cadre juridique, qu’il faut vite étayer afin de protéger les investisseurs et prévenir la fraude et le blanchiment d’argent.


Quel statut pour les plateformes de crowdfunding immobilier ?

Si le crowdfunding est arrivé tardivement en France, c’est bien Paris qui a été pionnière dans l’application de normes réglementaires. Le 30 mai 2014, le gouvernement dote le secteur d’une ordonnance relative au financement participatif et le crowdfunding - tout secteur confondu - bénéficie dès lors d’un statut qui encadre et réglemente son usage.


L’ordonnance définit trois statuts, dont deux dédiés, pour les plateformes de crowdfunding :


  • Le statut d’Intermédiaire en Financement Participatif (IFP) : Ce statut accorde aux plateformes de prêt le droit de mettre en relation des porteurs de projets et des investisseurs. La plateforme doit être immatriculée auprès de l’ORIAS (Office des Registre des Intermédiaires en Assurance).

  • Le Statut de Conseiller en investissement Participatif (CIP) : Ce statut concerne notamment le secteur du crowdfunding immobilier. Les plateformes disposant du statut CIP peuvent proposer des titres en capital et des obligations. Elles sont également habilitées à fournir des conseils en investissement aux épargnants ainsi qu’aux entreprises et doivent s’assurer de la compatibilité entre les besoins des investisseurs et leurs choix d’investissement. Les plateformes sont également dans l’obligation de s’immatriculer auprès de l’ORIAS et sont régulées par l’Autorité des Marchés Financiers.

  • Le statut de Prestataire en Service d’Investissement (PSI) : La réglementation autorise également, via le statut PSI, aux plateformes de crowdfunding de pouvoir proposer tous les titres financiers y compris complexes et ce, sans limite des opérations en montant (financement limité à 2,5M€ par projet financé pour les CIP et 1M€ pour les IFP). C’est un statut peu détenu à ce jour car la plateforme doit posséder un capital minimum de 50 000€ si elle ne reçoit ni fonds ni titres de la clientèle et de 125 000€ dans le cas contraire.

Pour faire du crowdfunding immobilier une plateforme doit donc être en mesure de justifier un statut de CIP ou de PSI (plus rare).



Etoile montante de 2018 : le crowdfunding immobilier locatif


2018 a vu croitre de nouvelles perspectives de financement pour le crowdfunding immobilier. Après de longues phases de négociations, l’AMF a abaissé une nouvelle barrière en autorisant le financement participatif au locatif, avec une première plateforme obtenant le précieux sésame de « CIP agrandi » en juillet dernier.


Très répandu outre-Atlantique, le locatif est une formule attractive, plus sécurisante pour l’épargnant que de financer un promoteur. Une solution qui offre la possibilité au particulier d’accéder au marché de l’immobilier par d’autres canaux que celui de l’acquisition d’un bien immobilier en direct ou de l’achat de parts au sein d’une Société Civile de Placement Immobilier (SCPI).(2)


A ce jour, on compte 10 plateformes ayant bénéficié du statut de « CIP agrandi » pour un marché estimé à plus de 50 milliards d’euros en France, une petite révolution dans le secteur.


Pourquoi le crowdfunding locatif est-il si bienvenu ?

Avec plus de 300M d'euros collectés depuis 2012 et un rendement moyen de 9,8% depuis ses débuts, le crowdfunding immobilier jouit d’une bonne réputation dans le secteur. Son principe est simple, des financeurs privés vont investir dans le projet d’un promoteur (sous forme de don, obligation ou en s’associant à son capital) afin de participer au cofinancement d’une promotion immobilière ou de réhabilitation d’un bien. Le projet est présenté sur une plateforme en ligne qui fait office d’intermédiaire et va s’assurer en amont de la viabilité du projet. Les investisseurs récupèrent leur placement de départ avec les intérêts perçus, une fois que le projet est terminé et commercialisé (en 2018 la durée du placement était estimée entre 18 et 23 mois).


Nouvelle brique du crowdfunding immobilier, le financement du locatif fonctionne tout autrement. Cette fois c’est la plateforme en ligne qui va devenir directement propriétaire d’un bien immobilier, le plus souvent à usage d’habitation, et le proposer en location. La plateforme va lever des fonds en réunissant des « co-investisseurs » autour du projet locatif qui seront rémunérés grâce aux loyers perçus. Si les rendements sont plus faibles qu’en crowdfunding immobilier « traditionnel », ils sont d’une durée bien plus longue.


Quels sont les avantages de ce nouveau marché par rapport à l’investissement locatif direct :


  • Une faible mise de départ qui suppose deux atouts : la démocratisation du secteur du locatif, accessible à un éventail plus large de contributeurs, et la possibilité de varier son portefeuille de placements,
  • Le contributeur sélectionne lui-même le bien dans lequel il souhaite investir,
  • Les « co-associés » ont la possibilité d’interagir entre eux et avec toute personne rattachée à l’immeuble (locataire, concierge, etc),
  • Chaque contributeur dispose d’un droit de vote aux Assemblées générales concernant la vie de l’immeuble (travaux, extension, revente, etc),
  • La plateforme est en charge de toute la gestion administrative.

Quant aux risques, ils sont les mêmes que lors d’un investissement locatif direct ou en faisant appel à une « Société Civile de Placement Immobilier » SCPI : vacances, impayés, travaux non prévus lors des AG, variation de la valeur de revente du bien.


Un marché qui a besoin de plus de souplesse pour développer tout son potentiel

L’ensemble des segments du marché du crowdfunding immobilier connait une croissance particulièrement dynamique outre-Atlantique, avec des investissements qui s’élèvent à plusieurs milliards de dollars par année. Constat semblable au Royaume-Uni, avec des volumes évalués à vingt fois de ceux des plateformes françaises.


Le marché français connait toutefois une croissance continue et positive chaque année, tout en instaurant des règlementations pérennes et sécurisantes pour tous les acteurs du milieu. Des réglementations qui évoluent d’ailleurs dans le sens d’une ouverture positive du marché. Notons que le 5 novembre dernier, les députés de la commission des affaires économiques et monétaires européenne ont voté pour une augmentation du seuil des levées de fonds à 8M d’euros contre les 1M initialement proposés.


Dernier arrivé dans le secteur, le crowdfunding immobilier locatif est une nouvelle brique qui aura besoin d’un soutien des pouvoirs publiques afin que les plateformes en ligne et les investisseurs puissent bénéficier de son potentiel de croissance et connaitre un essor similaire à celui constaté outre-Atlantique. La récente adoption de la Loi Pacte semble aller dans ce sens puisqu'elle accorde désormais l'inscription des titres dans un PEA-PME.


Pour Dominique STUCKI, avocat spécialisé en règlementation financière


« Les deux principaux écueils auxquels les plateformes se heurtent encore concernent la fiscalité et la réglementation. En effet, l’impôt total versé par les véhicules d’investissement (les plateformes en ligne) au titre des loyers nets perçus et les associés investisseurs, peut apparaître dissuasif voire confiscatoire, privant l’épargnant d’environ la moitié du rendement brut. En outre, l’investissement participatif sous forme de valeurs mobilières (actions ou obligations) est actuellement soumis à des contraintes lourdes de validation du profil de chaque souscripteur de nature à décourager les internautes pressés d’aller au bout de leur projet ; un assouplissement du parcours investisseur semble inéluctable et sans grand danger pour les investisseurs en pierre-papier digitale. »


Il appartient alors au régulateur de trouver un cadre juste et souple, pour permettre au secteur de l’immobilier de connaitre la croissance vertueuse qu’on lui prédit, profitable à l’économie réelle et aux enjeux sociétaux par des projets d’investissement solidaire tels que :


  • La dynamisation des collectivités à travers les friches et patrimoines endormis,
  • Le développement de logements sociaux,
  • L’éclosion de bâtiments écologiques,
  • La reconstruction de l’espace urbain pour une ville durable.

C’est une belle étape franchie cette année pour tout le secteur du crowdfunding immobilier et la perspective d’une croissance dynamique portée par une société attachée à la « pierre-papier ». La décision de l’AMF est saluée par l’ensemble du secteur et connait déjà une belle résonance. Bien-sûr il est encore tôt pour analyser le succès de ce nouvel agrément sur le secteur et de nombreux défis sont à relever si la France souhaite connaitre les promesses de croissances similaires aux pays qui le pratique déjà.


(1) Source : Baromètre du crowdfunding immobilier 2018 realisé par HelloCrowdfunding, agrégateur de projets crowdfunding immobilier.


(2) Une SCPI est une Société Civile de Placements Immobilier dont l’objectif est d’acquérir et de gérer un patrimoine immobilier en vue de redistribuer des parts de loyers auprès des investisseurs. La société de gestion va réunir des particuliers intéressés dans le placement immobilier et trouver des biens dans lesquels investir. La SCPI a la pleine gestion du parc immobilier, elle s’occupe de placer les apports des financeurs dans les biens collectés et de redistribuer les gains perçus. La SCPI est dotée de compétences très similaire au crowdfunding immobilier locatif, une des raisons émises par l’AMF dans les négociations du « CIP élargi », la question étant de ne pas aller vers une disruption du marché des SCPI. En effet, en s’implantant sur le marché du locatif, le secteur du crowdfunding immobilier présente désormais plus d’avantages qu’une SCPI dont :


  • Le choix du bien dans lequel l’épargnant souhaite investir,
  • Des frais d’entrées plus faible, entre 0% et 3% pour les plateformes en ligne et 10% pour les SCPI,
  • Des taux de rendements plus élevés, une SCPI n’ira pas au-delà de 4 à 5% par année.

En revanche il est possible d’acheter les parts d’une SCPI dans le cadre d’un contrat assurance vie qui présente de nombreux avantages fiscaux, un frein pour le financement participatif locatif.