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Crowdlending : pistes de réflexion pour construire un modèle performant

Crowdlending : pistes de réflexion pour construire un modèle performant

UNILEND, la plateforme de prêts aux entreprises créée en 2013, pionnière en France, a officialisé mi-octobre 2018 être en cessation de paiement. A la suite de cette annonce, le débat sur la pérennité du modèle UNILEND et plus largement des acteurs du secteur du Crowdlending n’a pas tardé à être lancé dans les médias et sur les réseaux sociaux. Face à certaines déclarations faisant état notamment « de la mort du marché » ou « de la fin du Crowdlending », Stéphanie SAVEL, présidente de l’association professionnelle Finance Participative France a, à juste titre, appelé à « construire une "pensée" plus aboutie que ce que seraient des réactions à chaud ». Dans cette optique, MIPISE, solution leader de financement participatif en marque blanche, souhaite apporter des éléments de réflexion issus de l’observation de l’activité et des performances des plateformes qu’elle accompagne.

Quelle place pour le Crowdlending en France ?

Le Crowdlending participe de la désintermédiation de l’économie (Finance Alternative). Ce mouvement est poussé par des tendances sociétales fortes. Il propulse de nouveaux modes de financement et de communication. Il porte les valeurs de l’économie collaborative : la confiance, les échanges, le partage, la mutualisation, la proximité, la facilité d’usage et d’interactions, le caractère ludique. Il s’organise et se diffuse grâce à l'énorme force de frappe que constituent internet et les réseaux sociaux.


Le marché du Crowdlending est celui des entreprises qui se sont vu refuser des crédits bancaires, mais qui ne représentent pas pour autant des "mauvais" risques. C’est également celui des entreprises qui veulent communiquer autrement.


En considérant que 1000 milliards d’euros ont été prêtés à l’économie en France en 2018 (dont près de 700 Milliards aux PME et TPE) et que 15% des demandes de crédits bancaires ont été refusés par les banques (source BCE), nous pouvons raisonnablement penser qu’en captant ne serait-ce qu’une faible partie du montant des demandes non servies, le marché potentiel du Crowdlending est de plusieurs milliards d’euros.


Ces entreprises directement concernées par le Crowdlending n’entrent pas dans des schémas d’analyse traditionnels. Il peut s’agir par exemple d’entreprises qui momentanément se trouvent dans une situation spécifique, ou bien en cessation/reprise d’activité, ou bien en démarrage ou qui n’ont pas l’habitude de constituer des dossiers. Nous pouvons y ajouter tout simplement les entreprises qui se sont vu refuser un crédit à tort ! Et enfin, nous pouvons y intégrer les entreprises qui voient dans le Crowdlending une belle occasion de promouvoir leur activité et leur produit, et d’atteindre leur première base de clients.


Le Crowdlending a donc un modèle propre. Il ne doit pas chercher à répliquer le modèle des banques car il n’en possède ni la capacité, ni les moyens. Dès lors, la réduction du risque prêteur passe par une analyse du risque en lien avec la capacité de la plateforme de Crowdlending à faire jouer l'intelligence collective et la proximité d'une communauté, qu’elle soit affinitaire, régionale ou thématique. C'est là un vrai champ de différenciation. L’existence d’un taux de placement de l’épargne supérieur à celui que l’on peut trouver dans des produits financiers classiques est bien entendu un puissant moteur pour inciter les prêteurs à participer à une opération de Crowdlending. Donner du sens à son argent, aider des entreprises de proximité, favoriser le développement économique de sa région, participer à des projets innovants, contribuer aux projets de sa communauté d’intérêts via le Crowdlending représentent des motivations tout aussi fortes.



Quel modèle pour les plateformes de Crowdlending ?

Certains voudraient opposer un modèle de grands acteurs, plateformes généralistes et souvent mono-produits, à un modèle d’acteurs spécialisés, plateformes de plus petite taille mais pluri-produits.


Cette opposition nous semble stérile ou, tout du moins, très prématurée au regard de la jeunesse du marché. Compte tenu de la profondeur et de la taille du marché du Crowdlending telles qu’énoncées précédemment, il y a certainement de la place pour tous. La connaissance de ce qui existe dans des pays en avance de phase comme la Grande-Bretagne ou les Pays-Bas le laisse à penser.


On peut toutefois imaginer que le marché des grandes plateformes de Crowdlending généralistes, mono-produits, soumises à des frais de structure élevés et confrontées plus directement à la concurrence des banques et/ou à des fonds d’investissement va se concentrer.


Quant au marché des acteurs spécialisés, que MIPISE connaît bien grâce à ses plateformes clientes, il peut encore grandir et s’épanouir à condition de :

  • Limiter les coûts marketing et de communication au strict nécessaire en faisant jouer les réseaux spécialisés, les communautés et en s’adressant à des cibles clairement identifiées.
  • Limiter le coût de développement, notamment par l’externalisation de la R&D et de l’informatique de production.
  • Variabliser les charges.
  • Faire la part belle aux valeurs de l’économie collaborative.
  • Avoir une approche affinitaire, régionale, communautaire, ou métier affirmée.
  • Privilégier le qualitatif au quantitatif.
  • Opter pour une approche différenciée du risque.

Les plateformes les plus performantes de la clientèle de MIPISE ont déjà atteint leur point mort.


Nous avons analysé les facteurs de succès de ces dernières :

  • Elles proposent des offres complètes : dons, prêt, equity, crowdsourcing, mix/produit.
  • Elles réussissent à intéresser l’emprunteur en lui permettant de financer son projet et dans le même temps à créer une communauté et/ou fidéliser sa clientèle, à recueillir des avis et des idées, à transformer leurs contributeurs en ambassadeurs, à tester le marché, etc.
  • Elles suscitent l’intérêt du prêteur par des sentiments communautaires, affinitaires, d’entraide, d’implication, de liberté de choix, de proximité, de « fun » et de confiance plutôt que par le seul attrait de rendements élevés.
  • Elles intéressent le prêteur par le versement de contreparties parfois non académiques (ex : bouteilles de vin, voyages, bons d’achat/codes).
  • Conscientes de la réalité du risque élevé, elles cherchent à le réduire par une bonne connaissance de leur environnement du fait de leur spécialisation, la prise de garanties adéquates, etc.
  • Elles font jouer la viralité des réseaux sociaux, la fibre collaborative, le partage de connaissances et la mobilisation de compétences.
  • Elles élargissent leurs écosystèmes en concluant des partenariats stratégiques liés à leur domaine de spécialisation.

MIPISE se permet de mettre en garde les plateformes contre trois éléments que nous identifions comme de potentiels risques de déconvenue, car en décalage avec les principes de la finance participative :

  • La tentation d’offrir des bonus d’arrivée aux prêteurs.
  • La tentation de pratiquer l’auto-lending qui consiste à affecter de manière automatisée des fonds sur les projets.
  • La tentation de proposer des taux emprunteurs trop élevés.


En conclusion, la cessation d’activité d’UNILEND est l’occasion de s’interroger et d’analyser. Ne cédons pas aux regards critiques qui voudraient tirer des conclusions hâtives sur l’avenir du Crowdlending. Le Crowdlending est un jeune marché, avec une réelle profondeur et de belles perspectives à condition de disposer de son propre modèle, c’est-à-dire un modèle différent de celui des grands acteurs financiers traditionnels (banques et fonds d’investissements). Comme pour tout marché en développement il y a des étapes de transition, des lignes qui bougent, des modèles qui se cherchent, qui évoluent, qui échouent ou qui pivotent. Construisons l’avenir du financement participatif sans perdre de vue ses caractéristiques intrinsèques, faites de valeurs collaboratives. En France, des plateformes s’attachent à relever ce défi et développent des communautés avec passion, responsabilité, agilité et volonté d’innover. C’est ce que nous constatons chaque jour.

Michel IVANOVSKY, Président et co-fondateur MIPISE
Jean-Michel ERRERA, Directeur Général et co-fondateur MIPISE